- Pour remplacer sa bonne vieille Jeep, larmée américaine lance un appel doffres, remporté en 1951 par Ford. Neuf ans plus tard débarque la MUTT M 151, un véritable tout-terrain disposant enfin de quatre roues motrices et indépendantes.
- En 2010 se fêtait le 70e anniversaire de la naissance de lancêtre de tous les 4x4 actuels : la fameuse Jeep Willys MB (ou Ford GPW) ayant équipé larmée américaine ainsi que lensemble des troupes alliées durant la Seconde Guerre mondiale, et bien dautres régiments jusque dans les années 60. Mais on ne peut passer sous silence une autre célébration, celle de la M 151, ou « Military Utility Tactical Truck » (MUTT), dernière génération de jeep de lUS Army, qui a eu 50 ans cette même année. Plus discrète que son aînée symbolisant la « liberté retrouvée », la MUTT est liée à la guerre du Vietnam au cours de laquelle elle fut utilisée, avant de laisser sa place, en 1985 et après 256.000 exemplaires produits [1], au gros Hummer découvert en 1991 lors de lopération Tempête du désert en Irak.
Précisons que la présentation de ce véhicule est faite par un collectionneur dex-jeeps militaires passionné par leurs aspects techniques et par une pratique des plus pacifiques : la randonnée à travers routes et pistes tant en France quà létranger (voir Gazoline 137, août-septembre 2007, et 163, janvier 2010). Je vous épargnerai donc un historique que vous trouverez sans peine en naviguant sur la toile pour simplement rappeler quentre la MUTT et la Jeep MB, il a existé un modèle intermédiaire, la Willys M 38 A1, qui tout en bénéficiant daméliorations techniques (moteur culbuté, allumage 24 V, circuit électrique étanche, etc.) conservait la même transmission (transfert + réducteur + essieux rigides). Ce nest quensuite que lUS Army a lancé un appel doffres pour une jeep plus moderne combinant légèreté, franchissement en tout-terrain, performance routière, possibilité de parachutage et facilité de maintenance, qui sera remporté par Ford en 1951. Il faudra neuf années de développement au constructeur pour faire valider cette M 151 arrivée donc en 1960, suivie dune version A1 en 1964 et dune A2 en 1970, après modification de la suspension AR.
La M 151 se distingue de ses aînées par :
Une caisse autoporteuse en acier remplaçant le classique couple châssis/carrosserie. Dans loptique gain de poids, un prototype en aluminium fut développé, mais non retenu en raison dun manque de rigidité face aux contraintes dutilisation.
Une suspension à quatre roues indépendantes. On dit que larmée américaine, présente en Europe à lépoque, nétait pas restée indifférente devant cette technique utilisée sur la Munga, développée par DKW pour les besoins de la jeune Bundeswehr.
Un moteur à essence culbuté à 4 cylindres de 2,3 l développant 71 ch à 4.000 tr/mn, avec un couple de 17,7 mkg à 1.800 tr/mn. Refroidissement par eau, pompe à essence électrique sur lA1, puis mécanique sur lA2.
Une boîte de vitesses à quatre rapports AV/un AR + une boîte de transfert pour lenclenchement du pont AV. Cest donc un 4x4 non permanent dont la première, considérée comme extra-courte, est réservée au franchissement difficile. La boîte de transfert autorise le passage en 4x4 sans être à larrêt, ce qui rend la conduite plus souple. Enfin, en 4x2, on démarre toujours en seconde.
Un circuit électrique 24 V blindé et étanche avec alternateur et allumage à vis platinées sur lA1, puis électronique sur lA2. La version destinée au fameux corps délite des Marines est dotée dun schnorkel et dun tuyau déchappement surélevé avec mise en surpression du réservoir dessence, autorisant des débarquements jusquà 1,50 m de profondeur.
La grande originalité de la MUTT réside donc dans sa suspension. Exit les essieux rigides avec leurs coups de raquette en tout-terrain. Les pistes caillouteuses de lAtlas et du Grand Sud marocain des éditions 2007 et 2009 du rallye-raid Africa Gazoline furent des parties de plaisir pour lauteur de ces lignes, également propriétaire dune Willys MB, donc à même de faire la différence ! Cette suspension comprend à lAV deux doubles triangulations avec chacune un ressort hélicoïdal traversé par un amortisseur hydraulique. De même pour lAR, avec une simple triangulation. Sur lA1, cette dernière est fixée perpendiculairement à laxe longitudinal du véhicule, lui donnant ainsi une silhouette caractéristique (roues inclinées vers lintérieur à vide) similaire à celle que lon connaissait sur les Estafette, Floride et autres Coccinelle Volkswagen vues de larrière. Conséquence pratique sur le comportement de lA1 : une tenue de route survireuse laissant à désirer, notamment lors dune brusque prise de virage à plus de 30 ou 40 km/h !
A la suite de nombreux accidents, lenquête menée par le département de la Défense américain en 1967 [2] mettra en cause la conception de cette suspension AR. Doù la modification de lancrage de la triangulation qui ne sera plus perpendiculaire, mais parallèle à laxe longitudinal du véhicule, maintenant ainsi les roues AR verticales et donc la voie constante. Cependant, noublions pas que ces accidents ont essentiellement eu lieu dans un contexte de guerre avec de jeunes recrues plus ou moins conscientes des risques de conduite de ces engins avant tout faits pour le tout-terrain, et dont les pneumatiques type military navaient rien de « directionnel »... Rouler aujourdhui avec des ex-jeeps militaires implique un minimum de bon sens, notamment savoir anticiper. A partir de là, leur comportement ne présente pas plus de risque quavec un autre véhicule. Depuis dix ans, votre narrateur effectue chaque année entre 5.000 et 10.000 km au volant de sa M 151 A2, avec pour règle une vitesse maxi de 80 km/h sur route, bien quelle soit conçue pour atteindre 105 km/h. Les pneus military ont été remplacés par une monte plus mixte qui est celle des jeeps Peugeot P4 de larmée française (Uniroyal 700 x 16, dessin à pavés).